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Nous sommes tous de la Nation
Centrafricaine
par Me Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO, Avocat au
Barreau de Grenoble
Pendant l'un des moments les plus forts de la crise
que traverse actuellement la République Centrafricaine, un Collectif a cru devoir publier
le 18 Décembre 1996, un texte intitulé "Memorandum du Collectif des Exclus du
régime PATASSE".
Dans ce document, il est expliqué grosso modo que la Population Centrafricaine serait
composée d'un groupe d'ethnies formant le "rameau oubanguien" d'une part, et
les autres groupes, d'autre part.
Ce "rameau oubanguien" comportant notamment les YAKOMA aurait toujours vécu en
harmonie avec le reste des groupes ethniques, participant activement au développement
économique et social de la République Centrafricaine ainsi qu'au processus démocratique
ayant conduit à l'élection présidentielle de 1993.
Le développement et l'exacerbation du tribalisme et du régionalisme dans la vie publique
et politique serait le seul fait de PATASSE qui aurait concocté un plan machiavélique
d'élimination physique de tous les cadres appartenant au "rameau oubanguien",
à commencer par les YAKOMA.
A partir de certains faits, il est élaboré une démonstration pseudo-historique pour
justifier des revendications de nature politique.
Ce Memorandum sans nuance travestit la réalité historique et est réducteur en ce qu'il
ne place pas le débat dans sa dimension véritablement politique.
Il ne s'agit pas dans ces lignes, d'être juge des faits évoqués dans ledit Memorandum,
ni de discuter de leur existence réelle ou supposée mais, d'ouvrir un débat dont le
pays ne peut plus faire l'économie, en relevant avec force le manichéisme, voire
l'idéologie de l'exclusion, du tribalisme et du régionalisme qu'il sous-tend mais que
ses auteurs prétendent combattre par ailleurs.
De même qu'il faut rejeter fermement l'humour malsain et le ton empreint d'incitation à
la haine contenus dans certains articles non signés paraissant dans "Le
Perroquet", qui, toute proportion gardée, n'est sans évoquer la Radio "Mille
Collines" au Rwanda, l'idéologie de ce Collectif doit être non seulement dénoncée
mais combattue par tous les démocrates.
Dans une période de crise de confiance et en l'absence d'idées porteuses d'avenir, l'on
peut redouter les effets dévastateurs de telles affirmations susceptibles de donner une
base idéologique à toute division.
Tout d'abord, la pudeur aurait été que ceux qui dans les années passées ont tiré
profit du monolithysme politique et qui ont largement contribué au chaos dans lequel se
trouve le pays se fassent un peu discrets et se montrent un peu plus humbles.
Cependant, s'ils souhaitent exercer leur droit à la parole, la Collectivité nationale
est en droit d'attendre de leur part, une vision de la République Centrafricaine tournée
vers l'avenir et un projet de société et non pas simplement des propos d'hommes aigris.
En dépit d'immenses lacunes laissées par l'histoire, il est établi de manière certaine
aujourd'hui que les premiers habitants du territoire centrafricain ont été les Tvides ou
les Pygmées.
Hormis leur proximité au fleuve, le groupe de populations énuméré ne constitue pas une
catégorie à part en Centrafrique et assurément pas un rameau dans le sens où
l'entendent les rédacteurs.
Il est exact que le groupe composé des NGBANZIRI, BOURAKA, SANGO et YAKOMA était
installé depuis longtemps le long du fleuve Oubangui, en revanche, l'amalgame avec les
NGBAKA, MBATI, dérivant des BANTOUS ainsi qu'avec les ZANDE et les NZAKARA est non
seulement erroné mais semble manifestement destiné à valider un classement aussi
artificiel qu'opportuniste voire absurde entre les "savaniers" et les
"riverains" ou encore "le nord" et "le sud", sans que l'on
sache d'ailleurs où se situe la ligne de partage, ni s'il n'y a pas de grands cours d'eau
dans la région de la savane.
Ce classement ne repose sur aucun critère objectif défini tant sur le plan sociologique,
linguistique qu'économique et culturel.
Il relève de l'émotionnel voire de l'irrationnel et est destiné à un usage purement
politicien.
Le peuplement du territoire centrafricain par les autres groupes ethniques est intervenu
plus tard aux dires des historiens et lors des flux migratoires des 15e, 16e, 17e, 18e et
19èmes siècles.
Mais, quels que soient la date et l'ordre d'arrivée, ce qui compte c'est la volonté
(favorisée par le brassage des cultures régionales et l'usage d'une langue nationale et
officielle, le SANGO), d'appartenir à la même nation, de vivre ensemble dans un pays où
chacun doit trouver sa place et surtout de construire un avenir commun.
C'est sans doute cette volonté qui a animé les combattants du colonialisme et toutes les
personnalités citées, en particulier la première d'entre elles, Barthélémy BOGANDA,
dont le mérite appartient au patrimoine national.
De l'OUBANGUI au CHARI, en remontant notamment la LOBAYE, le MBOMOU, la OUAKA, l'OUHAM ou
autre, tous les habitants de ce territoire font partie de la nation Centrafricaine.
La notion de "rameau oubanguien" est un concept sociolinguistique utilisé par
les linguistes africanistes pour classifier la majorité des langues en Centrafrique
appartenant à une branche commune, la branche "Adamawa-oubanguienne", en raison
de leur parenté (système tonal et aspectuel, syntaxe et fonds lexical, etc ... ).
Comme les langues sont identiques aux ethnies, penser que les populations Centrafricaines
proviennent d'un ancêtre commun n'est pas une hypothèse saugrenue, ni absurde et ceci
est contradictoire avec le petit rameau qu'on veut former à l'intérieur de cette nation.
Il est faux de prétendre que l'évolution politique et sociale de la République
Centrafricaine sous les régimes de DACKO, BOKASSA et KOLINGBA s'est déroulée sans
heurts.
Au contraire, la vie politique de ce pays a été marquée par la répression, des
intrigues, l'opacité dans la gestion des affaires publiques et les crises sociales ont
toujours été contenues aux forceps par les régimes autoritaires.
La différence avec le système actuel c'est que l'expression devenue plus libre cède
paradoxalement le terrain à la violence !
Certes, les Populations ont toujours vécu en harmonie, mais le tribalisme a été
utilisé plus ou moins avec subtilité par les dirigeants successifs au gré de leurs
intérêts du moment.
Il a pris une proportion grossière voire outrancière avec le régime de KOLINGBA.
Le régime de PATASSE de ce point de vue n'a en rien innové en la matière depuis 1993 et
les griefs qui lui sont faits à ce sujet se situent dans une sorte de continuité.
Il faut souligner que la pluralité des groupes ethniques n'est pas une tare ni un
obstacle au développement économique et social mais une source de richesses sur le plan
linguistique et culturel pouvant justement servir de stimulateur.
C'est l'exploitation politique du fait ethnique qui constitue un véritable danger.
Le vrai débat qui ne doit être éludé est celui de l'entrée de la République
Centrafricaine dans la modernité.
Le pays aura le plus grand mal à sortir de ses difficultés sans une remise en cause des
comportements individuels et collectifs actuels ayant comme vecteur l'idée de faire de la
politique non pas pour apporter ses compétences, son savoir et son imagination au service
de l'intérêt général mais pour servir ses intérêts personnels en profitant des
attributs et des prérogatives du pouvoir, bref, pour des motifs de survie.
Force est malheureusement de constater que l'attitude et les agissements de la classe
politique toutes tendances confondues, constituée essentiellement de fonctionnaires, sont
guidés par cet impératif.
L'exigence somme toute légitime de transparence et de rigueur dans la gestion des
affaires publiques, du respect des droits de l'Homme, de l'Etat de droit en un mot, de
plus de démocratie admise par tous n'aura de sens sans une rupture totale avec les
pratiques politiques du passé et des mentalités dont tous les Centrafricains ou tout au
moins la classe politique est encore tributaire et dont l'expression apparaît à travers
:
- Notre incapacité collective à nous prendre en charge et une certaine propension à
croire que c'est l'extérieur qui peut résoudre les problèmes du pays et en particulier
la France.
- L'absence totale d'initiative privée pourtant essentielle pour la production et les
services (tout reposant sur le fonctionnariat avec pour conséquence une administration
pléthorique corrompue et sans efficacité).
- La confusion générale entre les biens et services collectifs et le patrimoine privé.
- L'exclusion de la grande masse de la population de la gestion de la chose publique et
qui, de ce fait, devient passive.
Si l'on ne prend pas garde et faute de transformation de la société elle-même, les
changements d'hommes quels qu'ils soient au sommet de l'Etat, aboutiront aux mêmes
résultats, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Ni la violence et les putschs, s'ils devaient prendre le dessus, ni les multiples
transactions politiques signées à la hussarde, et remises en cause le lendemain, ne
suffiront à résoudre une question aussi complexe.
Les Centrafricains seront mieux inspirés de travailler d'abord pour un retour définitif
à la paix afin d'aborder cette question dans un climat de sérénité.
E-mail : mdicentrafrique@chez.com |